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Bien chez soi

Trop d'aide est néfaste pour la santé des plus âgés

Temps de lecture : 2 minutes 40 secondes

Un soutien trop présent et intense peut nuire à l’autonomie des plus âgés d’entre nous.

Démonstration !

Saviez-vous que l’on peut faire du mal à l’autre en voulant lui venir en aide ?

Nous en avons parlé dans un précédent article, l’aide et le soutien que l’on apporte à quelqu’un avec les meilleures intentions du monde peuvent produire des effets inverses à ceux recherchés. Ainsi, les bonnes intentions ne suffisent pas, voire même « en faire trop » peut être particulièrement nocif pour la santé et le bien-être des plus âgés d’entre nous.

Il apparaît donc essentiel de ne pas faire à la place de la personne et d’autant plus quand celle-ci présente une fragilité. C’est d’ailleurs tout le sens de la Méthode O2 d’accompagnement des seniors basée sur le principe du “Faire Ensemble” : aider en soutenant les choix et les capacités préservées de la personne accompagnée.

Une expérience américaine montrait il y a déjà longtemps comment l’excès d’aide a un impact négatif sur les aînés [1].

“L’EXCÈS D’AIDE PARTICIPE À LA GRABATISATION DE NOS AÎNÉS” [2]

Dans cette étude, les chercheurs ont voulu voir si la manière d’aider des personnes âgées résidents en maisons de repos avait une influence sur leurs performances à une tâche psychomotrice de type puzzle.

Pour cela, ils ont comparé les résultats obtenus par les résidents dans différentes conditions de réalisation de l’exercice :

  • 1ère condition : aucune aide n’est apportée aux résidents
  • 2ème condition : l’aide se limite à des encouragements verbaux
  • 3ème condition : l’aide est importante puisqu’on indique aux personnes où mettre les pièces, voire on les pose à leur place

Les conclusions de l’étude ?

Les chercheurs observent, effectivement, que la manière dont on vient en aide aux personnes plus âgées a un impact sur leurs performances :

  • Sans aide, les performances restent stables (condition 1).
  • Lorsque l’aide est modérée et se limite à des encouragements verbaux, les performances augmentent (condition 2).
  • En revanche, lorsque l’aide est plus importante (condition 3), on observe une baisse des performances et de la confiance en soi. Ces personnes jugent également la tâche plus difficile que celles n’ayant bénéficié d’aucun soutien ou d’un soutien plus modéré.

Les chercheurs en concluent qu’une infantilisation excessive des résidents des maisons de soins et une aide manifeste au-delà des besoins peuvent conduire à un sentiment d’impuissance et à un handicap supplémentaire [3]. Il apparaît donc à la lumière de ces résultats qu’un soutien trop prononcé peut nuire aux capacités de la personne âgée à laquelle on adresse son aide.

Et si l’excès d’aide générait aussi une situation de « menace du stéréotype » ?

On pourrait également voir dans la baisse des performances, une manifestation de l’influence des stéréotypes négatifs liés à l’âge. En effet, le fait de trop aider pourrait rendre saillant le stéréotype de déclin des capacités avec le vieillissement, conduisant à cette fameuse situation de “menace du stéréotype” où les personnes âgées perdent momentanément leurs moyens sous l’effet d’une pression cognitive et évaluative .

FAIRE À LA PLACE DE LA PERSONNE, CELA POSE UN PROBLÈME ÉTHIQUE ET C’EST PSYCHOLOGIQUEMENT, PHYSIQUEMENT ET MENTALEMENT NOCIF

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas dans l’intérêt des aînés de faire les choses à leur place, car l‘excès d’aide s’avère tout à fait négatif tant d’un point de vue psychologique que physique et mental.

Car faire à la place, cela signifie pour la personne ne pas faire des choses qu’elle serait en mesure de réaliser. Elle sollicite alors moins ses capacités physiques et mentales, ce qui conduit à leur perte progressive.

Faire à la place, cela renvoie aussi à l’autre une image dévalorisante de « celui qui ne sait pas » ou « ne peut pas », ce qui n’est pas sans impact sur l’estime de soi.

Faire à la place peut donc mettre à mal les ressorts d’une identité positive. Et c’est encore plus vrai quand l’aide est à sens unique. Recevoir un soutien intense et intrusif sans possibilité de rendre la pareille de quelque manière que ce soit, cela peut être vécu par chacun d’entre nous comme un acte de déshonneur, de domination ou une atteinte à sa liberté !

Notes

  1. Avorn, J. & Langer, E. (1982). « Induced disability in nursing home patients : a controlled trial ». Journal of the American Geriatrics Society, 30 : 397-400
  2. Adam, S., Joubert, S. & Missotten, P. (2013). “L’âgisme et le jeunisme : conséquences trop méconnues par les cliniciens et chercheurs !”. Revue de neuropsychologie, 5(1) : 4-8. https://www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2013-1-page-4.htm
  3. Barker, V., Howard G. & Harwood, J. (2004). « Intergenerational communication; Intergroup, accomodation, and family perspectives ». In Nussbaum, J.F. & Coupland, J. (ed.). Handbook of communication and aging research. LEA : London.