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Bouger les lignes

Les stéréotypes âgistes peuvent-ils tuer ?

Temps de lecture : 13 minutes 30 secondes

Il existe des formes de violence invisible mais qui peuvent avoir des impacts majeurs sur la santé et le bien être des personnes âgées.

Il n’existe pas de représentations uniformes de la vieillesse. De tout temps, des images contradictoires, plus ou moins positives, ont circulé et imprégné les collectifs d’hommes. Néanmoins, la vieillesse est une période de la vie qui, dans l’ensemble, reste largement dépréciée dans les sociétés occidentales. C’est le temps de la finitude, avec sa phase de déclin préalable qui caractérise pour beaucoup l’imaginaire social de la vieillesse.

Il faut savoir que les imaginaires associés à tel ou tel groupe d’individus ne se contentent pas d’exister comme de simples abstractions. Ils s’imprègnent dans les corps et les esprits et vont jusqu’à impacter directement les conduites, l’identité et même la santé des individus qui en sont la cible. C’est le cas des stéréotypes qui vont agir sur les individus via différents mécanismes, parfois très insidieusement cachés derrière les meilleures intentions.

Voyons ce que les recherches en sciences sociales ont permis de mettre à jour concernant les stéréotypes âgistes, c’est-à-dire les stéréotypes négatifs associés à la vieillesse.

1. IMPACTS DES STÉRÉOTYPES VIA LE PROCESSUS D’INTÉRIORISATION ET D’INTERNALISATION

Il faut savoir que les stéréotypes s’apprennent très tôt dans l’enfance. Ils imprègnent ainsi les psychés individuelles des plus jeunes, et pour les personnes cibles de ces stéréotypes, les caractéristiques négatives peuvent être assimilées comme des traits personnels. On dit alors qu’ils sont incorporés ou internalisés.

Ce processus d’internalisation se fait généralement au cours de la socialisation, au gré des interactions sociales et des images de soi qui sont renvoyées par autrui. En ce qui concerne les stéréotypes sur les vieux et la vieillesse, les choses sont néanmoins quelque peu différentes.

En effet, contrairement aux stéréotypes sexués, on ne naît pas vieux. Alors certes, on ne naît pas femme non plus, pourrait-on dire, mais tout de même il existe-là une différence centrale entre ces deux formes de pré-jugement. Les stéréotypes âgistes sont d’abord intégrés comme des attributs extérieurs et ce n’est qu’au fil du temps qu’ils peuvent imprégner l’image de soi.

Pour Levy (2009), cette différence de taille fait que les personnes vieillissantes sont moins préparées à résister aux stéréotypes négatifs liés à l’âge, contrairement à d’autres formes de pré-jugement où les individus sont stigmatisés depuis leur naissance et ont pu développer des stratégies de faire face.

Pour autant, bien que les stéréotypes âgistes intériorisés ne deviennent auto-pertinents qu’au fur et à mesure de l’avancée en âge, leur prégnance chez un individu peut avoir un impact à long terme sur son propre vieillissement. Ainsi, il a été observé qu’une plus forte imprégnation et adhésion aux stéréotypes négatifs liés à l’âge au cours de la vie prédisaient une moins bonne santé une fois devenu âgé, avec notamment un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires [1] et un déclin plus marqué des fonctions mnésiques [2].

D’autres études montrent des effets similaires en lien cette fois avec la perception de son propre vieillissement. Ainsi, les personnes, qui à l’âge de 50 ans considéraient leur vieillissement de manière plutôt positive, présentaient au cours des deux décennies suivantes une meilleure santé fonctionnelle et une espérance de vie supérieure en moyenne de 7,5 ans [3].

Une espérance de vie supérieure en moyenne de 7,5 ans !

Cet impact des stéréotypes âgistes sur la santé se retrouverait également chez les personnes âgées atteintes de pathologies, notamment au niveau de leur capacité à faire face à la maladie et à la souffrance [4].

  • Ainsi, plus l’imprégnation des stéréotypes négatifs liés au vieillissement est forte, moins bon serait le rétablissement après un événement cardio-vasculaire [1].
  • Une étude menée auprès de personnes âgées atteintes de pathologies chroniques a montré que plus elles souscrivaient au stéréotype selon lequel la maladie va de paire avec le vieillissement, plus elles ressentaient les symptômes physiques de la maladie, moins elles adhéraient aux actions de santé et plus la probabilité de mortalité était élevée [5].

2. IMPACTS DES STÉRÉOTYPES SUR LA PERCEPTION

C’est un des effets les plus sournois des stéréotypes qui se met en œuvre de manière automatique, et souvent à l’insu des personnes qui vont adopter une attitude ou une conduite stigmatisante. Les stéréotypes constituent une espèce de prisme déformant qui va interférer sur les processus de perception, de mémorisation, d’évaluation et de jugement.

Ainsi, nous avons tendance à sélectionner et à nous souvenir des informations qui sont compatibles avec le stéréotype qui aura été activé et, à l’inverse, à écarter toutes les autres informations dites “contre-stéréotypiques”. La compréhension et l’interprétation de la situation peuvent alors être altérées et biaisées par ces croyances, sans même que l’on ait conscience de leur impact.

• Exemple : une même performance sportive ou oratoire ne sera pas jugée de la même manière selon qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme.
• Exemple : une altercation entre deux individus ne donnera pas lieu à la même interprétation et la perception du degré d’agressivité différera selon l’origine ethnique des protagonistes, etc.

Les professionnels soignants ne sont pas épargnés par ces biais perceptifs qui vont avoir un impact direct sur le diagnostic formulé et le traitement proposé aux patients [6].

Sur le plan du diagnostic, ces biais perceptifs consistent essentiellement à considérer que certains symptômes sont des maux normaux de la vieillesse et non des affections susceptibles d’être traitées.

Les thérapeutes et professionnels de santé auraient ainsi tendance à négliger et sous-évaluer les problèmes psychologiques et relationnels chez les personnes âgées[7].

L’âge étant en soi une explication du  trouble observé, on ne cherche pas forcément à investiguer l’existence d’autres causes possibles ; et le sujet âgé lui-même peut avoir tendance à ne pas demander de l’aide pour ces mêmes raisons [8].

Ces erreurs de perception ont pu être démontrées dans le cas de symptômes dépressifs -“ainsi, une démence peut être diagnostiquée alors qu’il s’agit d’une dépression” [9] – mais aussi de problèmes d’incontinence ou d’équilibre [10].

De la même manière, un professionnel pourra être amené à surinterpréter un état d’agitation ou d’agressivité chez une personne âgée atteinte de troubles démentiels en le mettant sur le compte de la maladie d’Alzheimer, sans même s’interroger sur l’existence d’autres causes possibles comme il aurait pu le faire tout à fait normalement avec une autre personne (ex. douleur, frustration, réaction à un comportement inapproprié, etc.).

Ces biais perceptifs vont avoir un impact très fort sur les conduites adoptées à l’égard des personnes âgées, et dans le cas des professionnels médicaux et médicosociaux, sur leurs
pratiques quotidiennes [1].

Ainsi, les femmes âgées atteintes d’un cancer du sein opérable se verraient plus souvent proposer une chimiothérapie en traitement primaire plutôt qu’une chirurgie, alors que le taux d’efficacité de cette dernière serait bien plus grand que la chimiothérapie seule chez les femmes de 70 ans ou plus[11]. Plus globalement, les médecins oncologues auraient tendance à moins souvent proposer et encourager la chimiothérapie ou la reconstruction mammaire après 59 ans ; cette tendance serait d’autant plus marquée que les professionnels ont une vision négative du vieillissement[12].

La plupart des interventions s’adressant aux aînés visent le contrôle des symptômes et le traitement des maladies, tandis que l’aspect promotionnel et préventif de la santé est négligé”[13].

D’autres études rapportent l’existence d’un traitement différencié selon l’âge des patients[14] :

  • pour le recours à un traitement chirurgical ou à l’utilisation d’interventions coûteuses (Norvège) ;
  • pour l’accès à des traitements visant à sauver la vie comme la transplantation d’organes (Etats-Unis) ;
  • pour la mise en place d’une psychothérapie (les personnes âgées sont considérées comme plus résistantes à la psychothérapie) ;
  • pour la prescription de traitements médicamenteux (à symptômes équivalents, les personnes âgées se font prescrire davantage de médicaments).

3. IMPACTS DES STÉRÉOTYPES SUR LA MANIÈRE DONT NOUS ALLONS ENTRER EN COMMUNICATION ET INTERAGIR AVEC UNE PERSONNE ÂGÉE

La communication est certes un vecteur de transmission des stéréotypes, mais elle est aussi modelée par ces derniers. Cela signifie que les stéréotypes vont impacter la manière dont nous  communiquons avec autrui, et ce sans même que l’on en ait conscience.

Pourquoi ? Parce que les stéréotypes s’activent automatiquement dans notre cerveau et que, sans effort ou contrôle de notre part, ils biaisent nos attitudes et interfèrent sur nos conduites.

Concernant les personnes âgées, de nombreuses études rapportent un “langage bébé” adopté par les professionnels soignants lorsqu’ils s’adressent à une vieille personne [15] :

  • Usage d’une syntaxe peu élaborée : mots simples ou familiers, énoncés plus courts, choix limité de thèmes ;
  • Transformation de la voix : se mettre à parler plus fort ou plus lentement, voix plus aiguë ;
  • Attitudes corporelles spécifiques : mimiques exagérées, intimité accentuée.

Ce langage bébé, qui est souvent adopté avec la plus grande bienveillance, repose en fait sur des stéréotypes négatifs de  la vieillesse : existence de problèmes auditifs et fonctionnement cognitif détérioré.

Mais cela même, la majorité des soignants ne le reconnaissent pas, qualifiant plutôt leurs attitudes de maternantes et de bien intentionnées. S’ils ne reconnaissent pas la valeur discriminatoire de leurs comportements, c’est que leur objectif est à l’origine positif. Il s’agit de faciliter la compréhension et de favoriser le rapprochement avec la personne âgée. Cette attitude ambivalente et ambiguë renvoie à une forme d’âgisme implicite [16] dont les manifestations ne sont pas ouvertement négatives.

Pourtant, l’utilisation d’un langage bébé est chargée de sens pour la personne âgée qui le reçoit.

Non seulement, cela lui renvoie ce que l’on pense d’elle et qui est largement négatif, mais cela induit un certain rapport non-égalitaire entre les protagonistes. Cette forme de communication met la personne âgée en situation d’infériorité. Infantilisée, elle n’est plus considérée comme un adulte semblable à soi et devient presque uniquement un objet de soins et de vulnérabilité.

Nous parlons ici de professionnels soignants, mais chacun de nous, quel que soit son âge, peut se retrouver dans ces exemples de communication stéréotypée. L’excès de politesse comme le fait de parler de manière exagérément articulée sont des signes de l’impact de ces croyances communes que nous avons à l’égard des vieilles personnes.

Et ces croyances ne sont pas neutres !!

4. IMPACTS DE LA COMMUNICATION STÉRÉOTYPÉE SUR LA SANTÉ ET L’AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES

L’impact du “langage bébé” adopté par les professionnels soignants a été mis en évidence dans nombre d’études précitées. Les auteurs ont ainsi observé directement après, chez les personnes âgées qui en étaient la cible, une baisse de l’estime de soi et de moindres performances, notamment dans l’expression orale, attestant ainsi de l’impact des stéréotypes sur les capacités des personnes âgées [17].

C’est ce que les psychologues appellent “prophéties auto-réalisatrices” ou comment la personne réceptrice se conforme aux attentes qu’on projette en elle [18].

Lorsque les projections sont positives, lorsque la communication entre soignant et personnes âgées est “symétrique”, cela favorise chez ces dernières une plus grande autonomisation [19].

En revanche, lorsque les projections sont négatives et la communication asymétrique et infantilisante, la capacité d’autonomisation de la personne âgée est compromise, ce qui vient confirmer aux yeux du soignant sa vulnérabilité.

C’est un cercle vicieux :

  • Les stéréotypes biaisent notre perception et la compréhension que nous pouvons avoir des choses.
  • Cela influence la manière dont nous interagissons et communiquons avec la personne cible de ces stéréotypes.
  • Cette attitude impacte en retour le sentiment de compétence et les capacités de cette dernière par double effet d’intériorisation des stéréotypes négatifs et d’encouragement de tels comportements de la part des soignants.

Interagir avec une autre personne est un peu comme une danse à deux où le mouvement de l’un induit celui de l’autre.

  • Adopter un “langage bébé” avec une personne âgée encourage chez elle des comportements de dépendance.
  • Ne rentrer en communication avec une personne âgée que pour répondre à un besoin d’assistance encourage également chez elle des comportements de dépendance puisque seuls ceux-ci sont récompensés par plus d’échanges sociaux. Et c’est bien là que le bât blesse quand on sait que le personnel soignant a tendance à ignorer les comportements autonomes des résidents pour ne remarquer et ne répondre qu’aux gestes nécessitant une assistance [20].

On ne peut alors que s’interroger sur la portée de l’effet conjugué, sur l’autonomie des personnes âgées, des stéréotypes âgistes et d’une conception de son rôle professionnel centré sur l’assistance aux personnes vulnérables !

5. IMPACTS DES STÉRÉOTYPES COMME UNE MENACE EXTÉRIEURE AUTO-HANDICAPANTE

Il n’est pas nécessaire que les individus cibles aient intériorisé et internalisé les stéréotypes négatifs liés à un de leurs groupes d’appartenance pour que ceux-ci aient un impact sur leurs capacités, mais aussi sur leur état de santé. Les psychologues sociaux ont mis en évidence un effet auto-handicapant des stéréotypes, dénommé “menace du stéréotype”.

Ils observent ainsi qu’en activant explicitement ou implicitement les stéréotypes d’infériorité de tel ou tel groupe dans un domaine donné, les personnes concernées vont présenter une baisse de leurs performances, non pas parce qu’elles ont fait de cette croyance d’infériorité un trait personnel, mais parce que cette croyance va générer des pensées parasites, des interférences, une pression cognitive et évaluative qui vont altérer le fonctionnement intellectuel normal des individus.

Un tel impact des stéréotypes âgistes a été démontré [21]:

  • sur les capacités des personnes âgées : capacités d’écriture, performances mnésiques, équilibre, vitesse de marche, audition ;
  • sur la perception de soi-même et de ses capacités : estime de soi, état de santé perçu, état d’esprit et volonté de vivre [22] ;
  • sur le système cardiovasculaire,
  • mais aussi, sur les conduites de demande d’aide : les sujets âgés ayant dans ce cas davantage tendance à demander de l’aide pour résoudre une tâche complexe type puzzle.

Ainsi, l’activation – dans l’environnement de la personne âgée – de stéréotypes négatifs liés à l’âge pourrait fragiliser son identité, ses capacités et sa santé, ainsi qu’encourager chez elle des comportements de dépendance [23].

Levy et ses collaborateurs ont observé que l’activation des stéréotypes âgistes était associée à une élévation significative du rythme cardiaque. Pour ces auteurs, l’augmentation répétée de cette réponse physiologique au stress serait susceptible de générer à plus long terme des problèmes cardio-vasculaires. Une telle menace du stéréotype négatif lié au vieillissement pourrait expliquer, par ailleurs, pourquoi le fait d’avoir durablement internalisé de tels stéréotypes pouvait accroître le risque de problèmes  cardiovasculaires [1] (cf. supra 1.)

Cet effet auto-handicapant peut tout à fait être opérant sans même que les stéréotypes âgistes aient été exprimés explicitement. C’est ce que montrent en effet les expériences de Levy et ses collaborateurs où les stéréotypes sont présentés aux personnes âgées par le biais de moyens subliminaux (mots présentés pendant un temps très bref), c’est-à-dire sans que celles-ci aient eu conscience d’avoir été confrontées à de telles images.
Ce résultat est loin d’être anecdotique car si nous n’avons pas conscience que nos conduites sont modifiées sous l’effet de stimuli environnementaux, on aura tendance à attribuer ses difficultés cognitives et physiques au vieillissement, ce qui viendrait renforcer l’internalisation de ces attributs négatifs [24].

QU’EN EST-IL LORSQUE L’ENVIRONNEMENT REND SAILLANT DES STÉRÉOTYPES POSITIFS LIÉS AU VIEILLISSEMENT ?

L’exposition à un imaginaire plus positif de la vieillesse (ex. sagesse) induirait un effet inverse à celui observé dans le cas des stéréotypes négatifs [25] :

  • amélioration des résultats à un test d’écriture,
  • amélioration des performances mnésiques,
  • amélioration des capacités de marche.

Si l’activation de stéréotypes positifs  peut avoir un tel impact bénéfique, il devient essentiel – notamment pour les professionnels du soin et de l’aide aux personnes âgées – de veiller au vocabulaire utilisé en centrant leurs pratiques sur les capacités préservées et les attributs identitaires positifs.

Toutefois, il faut savoir que les effets bénéfiques liés à l’activation de stéréotypes positifs sont nettement moins importants et impactants que les effets délétères des stéréotypes négatifs [26].

La supériorité des stéréotypes négatifs donne à voir toute la difficulté d’un changement global de paradigme où la vieillesse ne serait plus synonyme de décrépitude et de déclin.

6. LA « MENACE DU STÉRÉOTYPE » ASSOCIÉE À LA MALADIE D’ALZHEIMER ?

  • Si le simple fait d’indiquer à un patient âgé qu’il va réaliser un test de mémoire peut créer une situation menaçante propice à tronquer ses performances au test.
  • Si le simple fait de se rendre à une consultation dans une “clinique de la mémoire” peut générer des effets auto-handicapants similaires.
  • Sachant, par ailleurs, que les personnes âgées qui se rendent à ce type de consultation ont généralement conscience de la suspicion de maladie d’Alzheimer qui pèse sur elles.
  • Alors, il est fort probable que les résultats et les performances des individus âgés réalisant un test de mémoire soient altérés du fait même de la « menace du stéréotype ».

Par conséquent, nous disent Marquet et ses collaborateurs, “l’idéal serait de toujours nuancer les résultats aux tests en tenant compte de l’attitude de la personne âgée en situation  d’évaluation” [27].

Preuve à l’appui, ces auteurs présentent une étude conduite par Haslam et coll. (2012) dans laquelle les performances à un test cognitif de personnes âgées lambda étaient analysées via les critères classiques du diagnostic de démence. Ces chercheurs ont alors observé que la classification de démence s’appliquait dans 70% des cas lorsque les personnes considéraient que le vieillissement allait de pair avec une diminution du fonctionnement cognitif et se considéraient elles-mêmes comme vieilles par rapport aux autres participants (contre 14% en moyenne dans les autres groupes !).

Autrement, dit, le seul fait de s’être sentis menacés en tant que “plus vieux” a suffi à altérer leurs performances de telle sorte qu’elles soient jugées comme relevant d’un état de démence !!

D’autres études tendraient, par ailleurs, à montrer que les stéréotypes négatifs associés à la maladie d’Alzheimer seraient “à l’origine d’incapacités supplémentaires, s’ajoutant à celles qui découlent du vieillissement cérébral en tant que tel [28].

Tous ces résultats mis bout à bout alimentent les débats existants quant à l’efficience du diagnostic de “Mild Cognitive Impairment” (Trouble Cognitif Léger) et plus largement sur les effets pervers de l’annonce et du diagnostic Alzheimer [29, 30].

C’est une voix que l’on entend peu mais qui mérite d’être davantage entendue tant la maladie d’Alzheimer est très connotée socialement. On parle d’ailleurs de “double stigmatisation” :

La démence est souvent associée à des images négatives et stéréotypées de régression, de dégénérescence et de détérioration mais aussi de contagion ou encore de perte d’identité. Les personnes qui en sont atteintes sont souvent perçues comme n’ayant plus une bonne qualité de vie ni la capacité d’éprouver du plaisir. (…) souvent qualifiées de “séniles ou de “gaga”, (elles) se retrouvent déshumanisées et exclues socialement.” [31]

Cette vision négative véhiculée dans la société est considérée comme exagérée par certains chercheurs. De tels propos peuvent choquer, notamment les proches des personnes atteintes de cette maladie qui, bien souvent, sont en souffrance. Néanmoins, certains chercheurs nuancent cette vision exclusivement négative de la maladie qui stigmatise doublement les personnes âgées atteintes. Alzheimer ne serait pas uniquement synonyme de perte : les aptitudes issues du domaine d’expertise des patients pourraient être maintenues, de même que leur capacité d’adaptation, et ce à des stades avancés de la maladie [29].

  1. Levy, 2009
  2. Levy & coll., 2012 : in Adam, Joubert & Missotten, 2013
  3. Levy, Slade & Kasl, 2002 – Levy, Slade, Kunkel Kasl, 2002 : in Levy, 2009
  4. Coudin & Paicheler, 2002 : in Marchand, 2008
  5. Stewart & coll., 2012 : in Schroyen, & coll., 2015
  6. L’existence de tels biais perceptifs chez les professionnels est d’autant plus notable que le fait de travailler auprès de personnes âgées malades ou en perte d’autonomie accentuerait la prégnance du stéréotype de déclin intellectuel et physique (Gaymard, 2006).
  7. Ivey & coll., 2000 : in Masse & Meire, 2012 ; Palmore, 1999 : in Conseil des aînés du Québec, 2010.
  8. Monfort, 1998 – Bizzini & Rapin, 2007 : in Masse & Meire, 2012.
  9. Conseil des aînés du Québec, op. Cit : p.31
  10. Pasupathi & Löckenhoff, 2002 – Buzzini & Rapin, 2007 : in Masse & Meire, 2012 ; Bizzini & Rapin, 2007 ; Rohan & coll., 2003 – Grant, 1996 – Bizzini & Rapin, 2007 : in Conseil des aînés du Québec, 2010
  11. Palmore, 1999 – Pritchard, 2007 : in Conseil des aînés du Québec, 2010
  12. Madan & coll., 2001, 2007 – Ayanian & coll., 2003 : in Adam & coll., 2013 ; Adam, 2016.
  13. Conseil des aînés du Québec, op. Cit., p.31.
  14. Pedersen & coll., 2008 – Johri & coll., 2005 – Lee, Volans & Gregory, 2003 – Alliance for Aging Research, 2003 – Grant, 1996 : in Conseil des aînés du Québec (2010)
  15. Nelson, 2005 – Dobbs et al., 2008 – Feyereisen & Hupet, 2002 : in Masse & Meire, 2012 ; Lagacé et coll., 2011 ; Adam & coll, 2013 ; Adam, 2016.
  16. Lagacé & coll., 2011
  17. Kemper & Harden, 1999 : in Schroyen & coll., 2015 ; Ryan & al., 1995 – Balsis & Carpenter, 2005 etc. : in Lagacé & coll., 2011 ; Adam, 2016; Masse & Meine, 2012
  18. De tels effets sont connus dans le champ pédagogique sous le nom d’effet Pygmalion (Rosenthal et Jacobson, 1968).
  19. Renzenbrink, 2004 : in Lagacé & coll., 2011
  20. Baltes : in Masse & Meire, 2012 ; Ryan et al., 1995 : in Lagacé & coll., 2011.
  21. Levy, 2009 ; Marquet & coll., 2016 ; Macia & coll., 2007 ; Coudin & Alexopoulos, 2010 : in Schroyen & coll., 2015 ; Stein & coll., 2002 – Hess & coll., 2003 – Chasteen & coll., 2005 – Garstka & coll., 2004 – Masse & Meire, 2009 : in Masse & Meine, 2012 ; Abrams & coll., 2006, 2008 : in Adam & coll., 2013
  22. Dans l’étude en question, les individus devaient s’exprimer sur la pertinence du suivi d’un traitement pour prolonger la vie dans une situation fictive de maladie grave (Levy & al., 2009).
  23. Les effets menaçants des stéréotypes sont immédiats et tendent à s’estomper avec le temps (Marquet & coll., 2016). Néanmoins, on peut supposer qu’une exposition régulière génère des effets à plus long terme.
  24. Levy, 2009 ; Eibach & coll., 2010 : in Marquet et coll., 2016
  25. Levy, 2000 : in Levy, 2009 ; Levy, 1996 – Hausdorff, 1999 : in Masse & Meire, 2012
  26. Marquet & coll., 2016
  27. Marquet & coll., 2016, p.185
  28. Scholl & Sabat, 2008 : in WWW.mythe-alzheimer.org – Penser autrement le vieillissement, 2010
  29. Adam, S., Joubert, S. & Missotten, P. (2013).
  30. WWW.mythe-alzheimer.org – Penser autrement le vieillissement, 2010.
  31. Adam, Joubert & Missotten, 2013 : 7

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