EN

Un groupe engagé

Mes vœux SAAD pour 2021

Temps de lecture : 6 minutes 40 secondes

58 ans

se sont écoulés depuis le rapport Laroque qui apparaît comme l’acte fondateur des politiques vieillesse en France.

39 ans

depuis la mise en place du premier secrétariat d’Etat aux personnes âgées.

23 ans

depuis la création de la première allocation destinée spécifiquement aux personnes âgées en perte d’autonomie.

17 ans

depuis la canicule qui emporta tant de personnes âgées, révélant alors au grand jour combien nombre d’entre elles pouvaient mourir des conditions météorologiques dans un isolement le plus complet.

5 ans

depuis la promulgation de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement qui se voulait construire une société de la longévité.

2 ans

depuis la grande consultation citoyenne sur le grand âge et l’autonomie qui donnera matière aux propositions du rapport Libault. Sans oublier tous les autres rapports, El Khomri, Dufeu-schubert…

Depuis, on attend toujours “LA” grande réforme sur le grand âge et l’autonomie prévue initialement pour la fin de l’année 2019. Alors oui, depuis la crise sanitaire est passée par là, mais loin de lui donner le coup de grâce, elle a plutôt révélé l’absolue nécessité d’avancer sur le sujet. Et on y a cru… Mais finalement la fin de l’année 2020 n’aura pas été consacrée au projet de loi mais à une nouvelle concertation sur la place des personnes âgées dans notre société.

Très bien, approfondissons encore avant d’acter ! Après tout, on est au pied du mur, certes, mais ça fait 15 ans qu’on dit qu’on est au pied du mur en France et on fait avec, non ?

Peut-être, mais on le fait mal ! Finalement, c’est la personne aidée ou aidante qui est pénalisée par tout cela, car c’est un vrai parcours du combattant pour elles. Quelle aide ? Quel financement ? Auprès de qui je me tourne ? C’est ma mairie, c’est mon médecin ? Non c’est le département, c’est hôpital. Qui coordonne ? Qui peut m’aider ?

Je veux dire que ça suffit !

Nous avons assez repoussé la question des moyens pour prendre en charge et accompagner le vieillissement de la population. Les réformes nécessaires auraient dû être prises il y a 20 ou 30 ans pour anticiper, notamment les besoins financiers liés à la configuration démographique tout à fait inédite qui se dessine avec l’accélération sans précédent du vieillissement de la population. On a pas voulu l’anticiper, aux prises avec le court-terme, comme un déni de réalité. Et maintenant que la première génération des baby-boomers arrive aux portes du grand-âge, on réalise soudainement que les moyens manquent alors que c’est tout le système de financement qui est aujourd’hui complètement à bout de souffle !

Je veux dire que ça suffit !

On voit bien que cela ne fonctionne pas. Déjà toutes ces distorsions entre les départements qui font qu’on ne vieillit pas avec le même accompagnement selon les territoires. Cela n’est pas acceptable ! Des auxiliaires de vie qui se voient refuser la prime Covid dans certains départements parce qu’ils exercent leur métier au sein d’organismes privés. Cela n’est pas acceptable ! Bien sûr que l’action publique doit soutenir différemment les structures qui s’inscrivent dans des missions spécifiques d’intérêt général, que cela soit des expérimentations ou des prises en charge complexes auprès de publics avec des pathologies très lourdes ou en situation de grande vulnérabilité socio-économique. C’est d’ailleurs toute la force des départements que de mener à bien ces politiques de par la connaissance précise qu’ils ont de leur territoire, des ses enjeux et bien sûr des publics vulnérables. Mais hormis ce cadre, il est crucial de respecter la liberté de choix du bénéficiaire ! Or cela n’est malheureusement pas le cas partout. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les chiffres : les associations tarifées représentent plus de 65% des heures APA [1] aujourd’hui en France !

Globalement, c’est tout le système qui est rongé par des distorsions importantes, des différences de traitement à tous les niveaux qui ne peuvent plus perdurer. Ces distorsions – qu’elles soient entre les différentes structures privées, associatives ou même publiques, ou entre les différents modes mandataire, prestataire et particulier employeur – toutes ces distorsions créent aujourd’hui un profond mal-être dans le secteur. Comment pourrait-il en être autrement au regard des inégalités de traitement qui existent en matière de contrôle ? Comment est-il possible que les structures mandataires, mais aussi les particuliers employeurs, ne soient soumis à aucune forme de contrôle, à aucune tutelle ou supervision ? Non seulement, cela témoigne d’une iniquité patente par rapport au mode d’intervention prestataire, mais c’est aussi un manquement au devoir de protection et de vigilance à l’égard des publics vulnérables. Il faut du contrôle, cela est tout à fait nécessaire et à double titre puisqu’on intervient auprès de publics vulnérables qui bénéficient par ailleurs d’argent public. Il est donc indispensable de contrôler et de superviser ces activités, mais nous avons besoin d’un contrôle qui soit neutre et équitable, et pour cela qui soit indépendant du financement.

C’est pourquoi il est essentiel de réformer le type de gouvernance pour les activités ayant trait à l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées en France.

Nous espérons que le projet de loi Autonomie posera les bases d’une restructuration profonde de la gouvernance des SAAD [2]. Une gouvernance qui s’appuierait sur la complémentarité des compétences des départements, des ARS [3] et de la CNSA [4]. Une gouvernance où chaque entité mettrait sa force au service d’une meilleure gestion du secteur. Une gouvernance d’autorité publique avec la CNSA en charge du financement et des autorisations qui assurerait la régulation du secteur. Une gouvernance où les départements contrôleraient la bonne mise en œuvre de la politique Autonomie tout en soutenant l’innovation et les initiatives qui répondent aux besoins de leur territoire. Une gouvernance où les ARS seraient partie prenante des politiques Autonomie en apportant ce regard sanitaire indispensable si l’on veut accompagner correctement les populations dans le “grand” et le “très grand” âge. Tels seraient mes vœux pour 2021.

Quelles que soient la forme et la nature de la gouvernance, l’essentiel est que celle-ci s’exerce dans une articulation avec les différentes institutions existantes. Les ARS, les Conseils Départementaux et la CNSA ont tous un rôle à jouer dans ce nouveau paysage. Mais il faut casser les codes, briser les silos entre le sanitaire et le médico-social pour une organisation centrée sur le bénéficiaire. L’enjeu finalement est moins l’avenir du secteur médico-social que celui de la coordination entre tous les acteurs ; et cette coordination ne pourra devenir structurelle sans une refonte en profondeur des modalités de financement. Encore une fois, la question du financement est cruciale, car comme dans tout système, les actions sont interdépendantes les unes des autres. Si dans nos métiers, nous raisonnons en silos, c’est aussi parce que les financements sont organisés ainsi, avec l’assurance maladie d’un côté qui finance le soin et, de l’autre, le département avec l’aide de l’état qui finance le médico-social. Aussi, pour casser les barrières dans le fonctionnement de nos métiers et les pratiques sur le terrain, il est nécessaire de le lier à une restructuration des modes de gouvernance et de financement.

La création de la 5ème branche de la Sécurité sociale va permettre un financement nouveau. Néanmoins, ce tournant assurantiel des politiques vieillesse ne sera véritablement porteur d’innovation que s’il s’accompagne d’une dynamique de décloisonnement entre le soin et le soutien, entre le « cure » et le « care ».

Cela signifie, d’une part, que l’on doit ouvrir les consultations gériatriques au domicile pour mieux accompagner le vieillissement de la population. C’est ce que promeuvent les instances gériatriques comme la SFGG [5] qui militent pour le développement de la gériatrie libérale et des expertises gériatriques réalisées au domicile même de la personne âgée selon un modèle “bio-médico-psycho-socio-environnemental” [6]. Une telle « démocratisation » de la gériatrie renforcerait l’approche pluri-professionnelle et donc la coordination des acteurs. Je crois fermement que le rôle des gériatres est essentiel en médecine de ville, non pas seulement comme on s’y attend dans la prise en charge des pathologies liées au grand âge, mais aussi dans la prévention et la pédagogie de la prévention active (promotion de l’activité physique, dépistage des fragilités, etc.) afin de réduire les hospitalisations en urgence et éviter les risques de perte d’autonomie ou de son aggravation.

D’autre part, cela signifie aussi de s’appuyer sur les professionnels du domicile qui exercent au plus près de la réalité quotidienne des personnes qu’ils accompagnent. L’aide à domicile est un acteur clé dans le soutien à l’autonomie des personnes âgées. Il est certes dommage qu’il ait fallu attendre une crise comme celle de la Covid-19 pour que cela soit mieux perçu. Mais il est crucial de se saisir du moment pour faire reconnaître l’importance de leur rôle et de leurs compétences. Cette reconnaissance permettra de travailler de manière beaucoup plus coordonnée avec l’ensemble des acteurs. Il ne faudra pourtant pas s’arrêter-là. Les aides à domicile jouent un rôle crucial dans la prévention et la préservation de l’autonomie mais aussi de la qualité de vie des plus âgés en leur permettant notamment de poursuivre leur vie chez eux, selon leur choix. Non seulement les aides à domicile ne peuvent plus être traités comme le parent pauvre des politiques vieillesse, mais plus encore, ils doivent être au cœur des dispositifs déployés dans cette perspective d’une proposition globale apportée à la personne âgée en situation de dépendance.

Je suis infiniment persuadé du bien fondé de casser les silos et de créer dès aujourd’hui un nouveau métier, le chaînon manquant qui permettrait de développer véritablement une offre globale de services coordonnés.

Il ne s’agit même plus d’être prospectif. Il s’agit de répondre aux besoins actuels des populations vieillissantes. Aux besoins sanitaires avec des personnes qui sont de plus en plus âgées, de plus en plus pathologiques, polypathologiques, qui vivent longtemps. Mais aussi aux besoins psychosociaux avec des personnes qui revendiquent l’envie de vivre jusqu’au bout. Il est essentiel de remettre au cœur de l’accompagnement, non pas le patient, mais l’humain. Et pour cela, il faut qu’advienne ce nouvel acteur qui puisse articuler et coordonner ce mieux vieillir à domicile avec une proposition globale. Chez Oui Care, ce nouvel acteur nous l’avons déjà pensé ; ce nouveau métier, nous l’avons déjà structuré et nous sommes en phase de lui donner vie. Un nouveau souffle qui permettra – je l’espère – de créer une dynamique nouvelle dans le secteur.

DAMIEN CACARET

Docteur en Pharmacie

Directeur Délégué aux activités Seniors du Groupe Oui Care