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Représentations sociales des personnes âgées : interview du Professeur Sandrine Gaymard
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Les professionnels exerçant auprès de personnes âgées ont-ils des représentations sociales plus négatives de la vieillesse ?
Sandrine GAYMARD, Professeur de psychologie sociale à l’Université d’Angers, nous répond.
Vous avez étudié les représentations sociales de la personne âgée. Sur quoi portaient exactement vos recherches ?
Et bien à l’origine, dans le cadre de la formation d’infirmières et d’aides soignantes, un constat est ressorti : l’existence de préjugés et stéréotypes à l’égard des personnes âgées.
J’ai donc voulu vérifier ce point avec des professionnels en exercice et en investiguant à la fois le champ des représentations sociales et le champ des stéréotypes. Dans cette optique, 72 aides soignantes et 62 infirmières travaillant dans différents contextes professionnels (maison de retraite, hôpital, clinique, association de maintien à domicile) ont participé à cette étude. De plus il a semblé pertinent de comparer le groupe des professionnels avec des étudiants n’ayant pas de pratique avec la personne âgée dépendante [1].
Qu’avez-vous observé ?
Du point de vue des représentations sociales, les résultats montrent que l’on ne peut pas parler exclusivement d’une représentation négative de la personne âgée (objet d’étude). Les deux pôles de la vieillesse (négatif et positif) apparaissent dans le noyau central pour les deux groupes (professionnels et étudiants).
Est-ce que cela signifie que les représentations négatives autour de la vieillesse ne sont finalement pas aussi importantes que ce que l’on peut penser ?
A partir de ces résultats, si l’on parle de représentations sociales, on ne peut pas dire que la représentation de la personne âgée soit négative. Par contre, les professionnels font significativement plus référence à la dépendance. Les associations liées au déclin intellectuel et physique sont également plus présentes chez les professionnels («lenteur», «fatigue», «maladie», «mort»).
Les professionnels de l’aide aux personnes âgées que vous avez rencontrés manifestent donc davantage de stéréotypes négatifs sur les personnes âgées ?
La mesure des stéréotypes est en effet intéressante puisque l’on constate que les étudiants ont une attitude plus « charitable » à l’égard des personnes âgées qu’ils décrivent notamment comme étant plus sereine ou plus détendue.
Avez-vous observé des différences entre les infirmiers et les aides soignants selon leur lieu d’exercice professionnel ?
Les différences sont minimes. Les aides-soignants perçoivent la personne âgée de manière moins conformiste et plus imaginative que les infirmiers, en lien sûrement avec le type de relations induit par leurs fonctions.
Pour ce qui est des contextes d’exercice, les professionnels travaillant en milieu associatif tendent à attribuer à la personne âgée une personnalité plus docile. Cette caractéristique n’est pas à prendre dans un sens négatif ; au contraire, elle renvoie au climat relationnel plus détendu, plus familial et moins hiérarchique qui prévaut au domicile des personnes par rapport aux autres contextes dans lesquels la personne âgée est davantage perçue comme « autoritaire ».
En quoi les représentations de ces professionnels peuvent influer sur leurs comportements et leurs conduites au travail ?
De mon point de vue ces résultats montrent plutôt que l’exercice auprès de personnes âgées dépendantes pourraient accentuer les stéréotypes ou préjugés dont on sait qu’ils peuvent conduire à la discrimination.
Sandrine GAYMARD est Professeur des universités – psychologie sociale – Responsable mention psychologie sociale, du travail et de organisations à l’Université d’Angers.