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Bouger les lignes

Mal aimés = Mal traités ?

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Une société du jeunisme traite-t-elle forcément moins bien ses vieux ?

Si chaque société développe une vision qui lui est propre de l’avancée en âge et de la vieillesse, ce regard social qui est porté sur cette étape de la vie est rarement univoque et uniforme. Bien souvent la vieillesse est traitée de manière ambiguë, avec des figures contradictoires qui peuvent cohabiter dans un même espace social et temporel, comme celles du “vieux sage” et du “vieux dément”.

Cette ambivalence se retrouve également dans la nature des rapports sociaux, et ce, quel que soit le niveau d’organisation des sociétés. Plus encore, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’existe pas de corrélation entre la représentation sociale de la vieillesse dans une société et la manière dont celle-ci va agir envers ses membres les plus âgés.

Dans les sociétés dites primitives, on peut tout autant investir les anciens de pouvoirs surnaturels, vénérés certains d’entre eux et en rejeter, voire en mettre à mort d’autres.

« Chez certains peuples, les vieux peuvent être détestés mais bien traités parce que l’on craint la vengeance de leur esprit, et chez d’autres ils peuvent être honorés mais mis à mort parce que leur incapacité et leur dépendance menacent la survie du groupe » (Minois : 27) [1]

Ce paradoxe est visible également dans nos sociétés contemporaines où le regard qui est porté sur la vieillesse est très largement négatif.

Alors les propos à suivre peuvent surprendre à une époque où on parle beaucoup du manque de moyens alloués à l’aide et à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, notamment en structures d’hébergement. Néanmoins, la vieillesse génère pourtant beaucoup plus d’attention et d’intérêt que par le passé.

« Jamais peut-être une société n’aura tant fait pour ses vieux qui sont économiquement et socialement protégés » (Trincaz : 476) [2]

Cohabitent ainsi dans un même espace social :

  • une image profondément dépréciative et dévalorisante de la vieillesse au profit de la jeunesse,
  • et un système de protection sociale et économique plutôt développé envers les plus âgés, avec des valeurs d’assistance et de soutien à l’égard des individus plus fragiles.

Cet écart entre représentation sociale et traitement social transparaît à un autre niveau vis-à-vis des jeunes personnes.

De la même manière – mais dans le sens inverse – le jeunisme, qui donne la part belle à la jeunesse dans notre société, n’implique pas pour autant l’existence de conditions économiques d’accès à l’emploi ou au logement particulièrement profitables aux jeunes adultes [3].

C’est toute l’ambivalence de notre société tournée vers la jeunesse et la valorisation de cet âge de la vie, qui prend en charge ses vieux malades tout en leur préférant ses vieux actifs ; qui assure la sécurité et le maintien en vie de ses plus âgés tout en les excluant de la marche du monde.

  1. Minois, Georges. (1987). Histoire de la vieillesse. De l’Antiquité à la renaissance. Fayard ; D.B. Bromley, The Psychology of Human Ageing, Penguin Books, 1981
  2. Trincaz, Jacqueline. « Personnes âgées : quelles représentations sociales ? Hier et aujourd’hui ». Communications. http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/6807/?sequence=9
  3. Puijalon, Bernadette https://www.youtube.com/watch?v=bxcYONB6jOM