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Bouger les lignes

Comment venir en aide à son proche âgé ?

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9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 2021 [1]. Cela représente un mineur sur vingt et une personne majeure sur six. Entre 55 et 64 ans, la proportion d’aidants est encore plus élevée puisqu’elle est d’une personne sur quatre, ce qui fait un grand nombre d’actifs soit dit en passant…

Le soutien de l’entourage familial est le point cardinal du système de solidarité dans notre pays. Cela est vrai à tous les âges de la vie. Ainsi, malgré le mouvement de professionnalisation de l’aide aux aînés, la famille reste centrale. Seules 19% des personnes âgées bénéficiant d’un soutien à domicile déclarent être aidées exclusivement par un professionnel ; alors qu’elles sont 34% à déclarer une aide mixte et 48% une aide exclusive de leur entourage personnel [2]

Que mettons-nous exactement derrière le mot “aide” ?

Les études distinguent généralement l’aide dans les activités de la vie quotidienne, le soutien moral et l’aide financière. Parmi les 9,3 millions de proches aidants, l’aide la plus fréquemment déclarée est le soutien moral, suivi de l’aide à la vie quotidienne, et plus loin derrière, l’aide financière.

L’aide dans les activités quotidiennes (comme faire les courses, le ménage, préparer à manger, prendre rendez-vous chez le médecin, etc.) renvoie à une aide plutôt concrète. Ce sont des services que l’on rend. Néanmoins, le temps dégagé pour rendre ses services est très variable comme on peut le voir dans l’encadré ci-dessous.

Cinq niveaux d’implication dans l’aide apportée par les proches à des personnes âgées vivant à domicile [3]

  • Groupe 1 (8% des proches aidants) : Il regroupe des proches aidants dits très impliqués car apportant un soutien intense à des proches âgés très dépendants. Leur implication s’entend à la fois en termes de volume d’heures consacrées (77% d’entre eux y consacrent au moins 35 heures par semaine) et de diversité des actions réalisées pour leur proche (entre 8 et 12 aides à la vie quotidienne pour 90% d’entre eux). Il s’agit essentiellement des conjoints et des enfants. Le plus souvent, ils cohabitent avec leur proche et sont les seuls à intervenir en tant qu’aidant (aidants uniques).
  • Groupe 2 (22% des proches aidants) : Ces proches apportent une aide importante mais moindre que dans le premier groupe (30 % apportent de 14 à moins de 35 heures d’aide par semaine et 15 % apportent 35 heures d’aide ou plus), leurs proches âgés étant également plus jeunes et moins dépendants. Ce sont essentiellement des conjoints aidants.
  • Groupe 3 (35% des proches aidants) : Ces proches apportent un soutien moins intense mais diversifié (50 % d’entre eux apportent entre 4 et 7 aides à la vie quotidienne) à des proches qualifiés de “moyennement” dépendants. Ce sont essentiellement des enfants aidants.
  • Groupe 4 (10% des proches aidants) : Ces proches apportent une aide dite “peu” intense (65% d’entre eux aidant moins de 7 heures par semaine et 64 % apportant entre 1 et 3 aides à la vie quotidienne). Il s’agit essentiellement des autres membres de la famille (hors conjoint et enfant).
  • Groupe 5 (24% des proches aidants) : Ces proches aident un parent très âgé mais très peu dépendant. Le niveau d’aide est donc moins important (75 % apportent moins de 7 heures d’aide par semaine et 78 % apportent entre 1 et 3 aides à la vie quotidienne). Ce sont essentiellement des enfants (dans 72% des cas) et des membres de l’entourage (22% des cas).[4]

D’autres formes de soutien, moins manifestes, peuvent tout autant, voire plus encore, compter et être utiles à la personne aidée. On peut penser au soutien informatif comme les conseils, avis, propositions que l’on peut délivrer à son proche en lien avec des difficultés rencontrées ou des choix à opérer. L’entourage peut ainsi conseiller son parent au sujet de l’aménagement de son lieu de vie ou de l’utilisation d’Internet.

Parmi les soutiens qui comptent, il y a aussi le soutien émotionnel et le soutien d’estime.

  • Le soutien émotionnel consiste plutôt à exprimer à la personne les affects positifs que l’on ressent à son égard. L’attachement, les sentiments de sympathie, d’amour ou d’amitié ainsi exprimés peuvent jouer un rôle de réassurance et de renforcement de l’estime de soi qui sont particulièrement importants pour surmonter les moments difficiles. Prendre des nouvelles, réconforter un proche, lui témoigner de l’attention, sont autant de signes qui marquent le lien et la place de la personne dans le liant de la société.
  • Le soutien d’estime correspond à un retour direct ou indirect que l’on adresse à la personne quant à ses capacités, ses aptitudes ou ses qualités. Il s‘agit d’une forme d’évaluation et de renforcement positif. On témoigne à la personne qu’on lui fait confiance quant à sa capacité à gérer, à réussir ou à faire face à telle ou telle situation. Cela peut correspondre à des encouragements, mais aussi au fait de ne pas réfréner les projets ou les comportements de son proche (en faisant, par exemple, à sa place des choses qu’il pourrait faire lui-même). Dans tous les cas, ce type de soutien renvoie à la personne une image valorisante de ses facultés, et plus encore, lui reconnaît son pouvoir d’agir sur le monde environnant.

Il n’existe pas une seule manière d’aider son proche, ni une manière qui vaille plus qu’une autre ! Et parfois, on pense bien faire, alors que l’on fait peut-être plus de mal qu’autre chose…

Ces différentes formes de soutien se présentent très souvent imbriquées les unes aux autres. Mais elles peuvent aussi être contradictoires. Ainsi, une aide concrète apportée à son proche dans les actes du quotidien (ex. organiser les repas ou les rendez-vous médicaux) peut contrevenir à son esprit d’indépendance et lui renvoyer une image dépréciée de sa personne et de ses facultés. Cette dépréciation involontaire peut alors induire un effet inverse à celui recherché. L’aide peut en effet générer un sentiment d’impuissance et de dévalorisation de soi qui vont avoir un impact négatif sur l’autonomie et la santé de la personne aidée [Lire notre série d’articles sur les conséquences d’une aide trop imposante].

C’est toute l’ambivalence du soutien social, entre les intentions de son auteur et la perception par le destinataire. L’écart entre les deux peut parfois être dévastateur dans les relations familiales, entre des proches aidants qui ne se sentent pas reconnus à leur juste valeur, et des proches âgés qui se sentent dévalorisés et infantilisés.
On mesure bien là toute la complexité d’être aidant. On est au cœur de l’humain – on ne doit pas seulement faire avec la maladie ou les pertes de la personne que l’on veut aider, mais on doit avant tout faire avec une autre personne que soi. Un autre que soi qu’on peut aimer de tout son être, qu’on peut connaître mieux que personne, mais qui reste une personne indépendante avec ses particularités, ses humeurs, ses ressentis, ses zones d’ombre…

Cet écart indélébile dans toute relation humaine, entre soi et autrui, montre à quel point il est important de questionner la personne aidée sur ses attentes, ses choix, ses désirs – de partir de son point de vue à elle, et non de ce que l’on pense qu’il serait bien pour elle. Cette posture n’est néanmoins pas toujours facile à trouver. Parfois, c’est la personne aidée qui n’ose pas exprimer ses choix, par peur de blesser ceux qu’elle aime ou de les voir s’éloigner d’elle. Parfois, c’est la parole qui fait défaut, la personne n’étant plus en mesure de s’exprimer par des mots. Dans ces cas-là, la communication non verbale est encore plus importante. Tout ce qui passe par le regard, les réactions corporelles, les changements d’attitudes et de comportements témoignent de l’état d’esprit et de bien-être de la personne à qui l’on souhaite apporter son aide.

  1. DREES (2023). “9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 2021”. Études et Résultats, n°1255. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-02/ER1255MAJ1002.pdf
  2. DREES (2019). “Un senior à domicile sur cinq aidé régulièrement pour les tâches du quotidien”. Etudes et Résultats, n°1103. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/un-senior-a-domicile-sur-cinq-aide-regulierement-pour-les-taches-du-quotidien
  3. DREES (2023). “Les proches aidants : une population hétérogène”. Les dossiers de la Drees, n°110. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-05/DD110EMB.pdf
  4. Cette typologie bien récente est basée sur des données datant de plus de 10 ans.